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Or et argent

OR ET ARGENT

Les impacts sociaux et environnementaux de l’extraction de l’or ternissent l’éclat de nos bijoux et en diminuent la valeur symbolique. Petit guide pour s’y retrouver...

Qui songerait à déloger les bijoux en or de la première place au hit-parade universel des plus belles preuves d’amour et de féminité ? Comment soupçonner que derrière tant de brillance et de richesse se cachent des pratiques parfois si sombres et misérables qu’elles ont tôt fait de ternir, pour celui qui en a connaissance, ces symboles de bonheur et d’éclat ? Car l’industrialisation des pratiques d’extraction est telle aujourd’hui que si l’on comptabilisait le coût social et environnemental de l’or pour calculer la valeur réelle des bijoux que nous convoitons, peu d’entre nous pourraient (et voudraient) encore se les offrir.  Voici notre petit guide à l’attention des chercheurs d’or "vert"...

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Le saviez-vous ?

  • En 2011, la production totale de l’or est estimée à plus de 171 000 tonnes depuis les débuts de son exploitation par l’homme, dont la majorité a eu lieu durant les 150 dernières années.
  • Plus de la moitié de l’or extrait dans le monde est utilisé pour les parures et bijoux de toutes sortes, un tiers est utilisé par les banques, un quart sert à la fabrication de lingots ou de pièces, ou achetés par des particuliers et le reste est utilisé dans l’industrie.
  • Longtemps premier producteur mondial d’or, l’Afrique du Sud a été détrônée en 2007 par la Chine, qui assure environ 14% de la production mondiale, suivie par l’Australie (10,2%), les Etats-Unis (9,2%), la Russie (7,6%), l’Afrique du Sud (7,6%) et le Pérou (6,8%). Les minerais sont en général exploités sur des territoires de peuples indigènes, et les gouvernements profitent souvent du fait que les droits de propriété sur ces terres ne sont pas clairement établis pour revendre les droits d’exploitation aux entreprises minières, sans tenir compte des populations locales. Ainsi, entre 1990 et 1998, 30 000 personnes ont été évacuées de la région Tarkwa au Ghana et en 2009, un nouveau projet de mine d’or proposé en Californie par la société Glamis Glod a été mis en cause car il risquait de détruire ou détériorer plus de 50 sites sacrés des Indiens Quechan
  • Les mines artisanales, dont la plupart sont situées dans des pays en voie de développement, représentent 12% de la production mondiale. Si l’or est devenu une source de richesse pour les pays producteurs, l’industrie est également le berceau d’une grande précarité. Ainsi au Pérou, de petites exploitations produisant 15 tonnes d’or par an font vivre 30 000 familles. Mais l’industrie extractive repose en grande partie sur le travail des enfants qui descendent dans les puits pour convoyer le minerai ou travaillent à l’extérieur dans les laveries avec une forte exposition aux émanations de mercure. De manière générale, les conditions de travail dans les mines et les techniques employées sont encore très rudimentaires : de 1868 à 1995, 80 000 mineurs ont péri dans les mines d’or. Mais à part quelques retombées médiatiques ponctuelles (comme le suivi des opérations de sauvetages des mineurs chiliens en 2010), les média semblent peu intéressés et ne relayent quasiment pas ces conditions de travail pourtant extrêmement dangereuses.
  • Tout comme l’industrie et le commerce diamantaires, l’or et l’argent peuvent coûter très cher, et coûter des vies : en juin 2012, deux militaires ont été tués et deux gendarmes blessés alors qu’ils participaient à une opération contre des chercheurs d’or clandestins en Guyane. La plupart des travailleurs sont des garimpeiros (orpailleurs) brésiliens, qui ont traversé la frontière pour venir chercher de l’or en Guyane. Pour beaucoup, cette activité est temporaire, et il existe peu d’orpailleurs professionnels. Le tout est donc assez informel mais tout de même très organisé, et peut conduire à des luttes entre clans de garimpeiros pour obtenir les meilleurs sites d’extraction, et étant souvent armés et employant des hommes de main pour assurer la sécurité sur les sites et faire régner l’ordre parmi la main-d’œuvre. A cela, s’ajoutent des liens avec le trafic de drogue, d’où le fait que la police peut intervenir, avec des conséquences parfois dramatiques.
  • L’extraction de l’or est aussi très consommatrice de ressources. Selon la Société Française de Chimie, la production d’une once d’or, nécessitait en 1984 39 heures de travail mais aussi  l’extraction de 3,3 t de minerai, 5,4 m3 d’eau, 572 kWh et 12 m3 d’air comprimé. Les mines sont par ailleurs génératrices de déchets : la fabrication d’une simple bague génère 20 tonnes de déchets miniers.
  • La plus importante source de pollution dans les mines est liée à l’utilisation massive de produits chimiques. Dans les mines artisanales, on utilise du mercure, une solution simple et bon marché pour récupérer l’or et dont la quasi-totalité est rejetée dans l’environnement, générant des impacts sanitaires importants. Les mines d’or et d’argent sont d’ailleurs la troisième source de consommation de mercure après la production de batteries et celle de chlore ou de soude caustique. Dans les mines plus modernes, c’est le cyanure de sodium qui est principalement utilisé, un composé chimique à très grande toxicité (en 2000, 120 tonnes de cyanure se sont déversées suite à une fuite d’un réservoir de décantation en Roumanie, dans une rivière et ont pollué 400 kilomètres de rivière en Hongrie, Serbie et Bosnie). Si l’utilisation du cyanure est peu réglementée, une initiative volontaire a été lancée sous l’égide des Nations-Unies et du ICMM (International Council on Mining and Metals) pour tenter de rationaliser ses conditions d’utilisation. L’application de ce code de conduite est encore volontaire, mais il pourrait à terme donner des pistes aux gouvernements pour renforcer les réglementations sur le sujet.
  • Enfin, les drainages miniers acides (des eaux acides provenant de l’oxydation spontanée des matériaux sulfurés qui se forment à l’intérieur de la mine et s’en échappent par les galeries) polluent les sources locales d’eau potable avec des métaux toxiques comme l’arsenic, le plomb ou le mercure. Selon l’Agence américaine pour la Protection de l’Environnement en 2000, l’activité minière aurait contaminé plus de 40% des bassins versants de l’ouest des Etats-Unis et au moins six exploitations auraient été en infraction avec la réglementation sur les rejets dans l’eau entre 2002 et 2004.
  • Autre enjeu lié aux industries extractives, dont l’or et l’argent : la fréquence du travail des enfants dans toutes les mines en Inde, au Pérou, en Afrique et en Amérique du Sud. Le BIT (Bureau International du Travail) estime qu’il y a environ un million d’enfants qui travaillent dans les petites exploitations ouvrières et les mines artisanales, où les enfants sont très souvent sollicités en-dessous de l’âge légal. Ils sont âgés de 5 à 17 ans et travaillent souvent 100 heures par semaine, vivant et dormant sur leur lieu de travail.
  • En ce qui concerne l’argent, le Pérou et le Mexique représentent ensemble environ un tiers de la production mondiale en 2010, devant la Chine qui produit 13,5% de l’argent mondial. Les mines d’argent sont souvent aussi des mines d’or, de cuivre ou de plomb – et les impacts environnementaux ou sociaux de l’extraction de l’argent sont par conséquent assez similaires à ceux de l’or. Beaucoup plus accessible que l’or, puisque vendu plus de cinquante fois moins cher  que ce dernier, l’argent est donc beaucoup utilisé dans la fabrication de bijoux, d’autant plus qu’il est très malléable et apprécié pour son éclat blanc particulier. 
  • Et la France n’est pas qu’un pays consommateur d’or : il y a aussi des mines en Guyane, au cœur de la forêt amazonienne (récemment médiatisée suites aux meurtres de deux militaires par des orpailleurs illégaux en juin 2012). Un film du WWF, diffusé sur le web, dénonce l’exploitation illégale et dangereuse de l’or : "De la vitrine à la mine - enquête sur l’or illégal". Selon Serge Orru, Directeur de WWF France, "dans le Parc Naturel de Guyane, près de 15 000 à 30 000 malheureux garimpeiros provenant du Brésil ou du Surinam extraient les pépites d’or dans des conditions humaines épouvantables et commettent  des dégâts considérables dans la nature amazonienne pourtant censée être protégée".  Entre 2000 et 2008, plus de 22 tonnes d’origine douteuse ont été exportées de Guyane, soit l’équivalent de sept millions d’alliances.
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Bonnes nouvelles

  • L’opinion publique se mobilise. Pour sensibiliser les consommateurs à ces enjeux, combattre les dérapages de l'industrie et tenter d'aider les populations les plus exposées, les associations EarthWorks Action et Oxfam se sont associées dans une campagne intitulée No Dirty Gold : distribution de cartes portant le slogan "ne ternissez pas votre amour avec de l'or sale"  devant les grandes boutiques de joaillerie à New York, Boston et Washington au moment de la Saint-Valentin en 2004, et en 2006, réalisation d'une publicité dans le New York Times incitant les consommateurs américains à vérifier si leur détaillant est du côté des entreprises leaders sur ces questions (avec Tiffany, Cartier, Piaget, Van Cleef…) ou au contraire du côté des retardataires (comme Rolex, Wal-Mart,…). Les organisateurs de la campagne ont aussi publié (en anglais seulement) la brochure "What is the real price of gold ?".
  • En 2010, le WWF avait lancé pour la St Valentin 2010 une première campagne « Non à l’or illégal » pour dénoncer les conditions de travail inhumaines et les impacts sur l’environnement des mines d’or.
  • La Saint Valentin est décidément le moment idéal pour communiquer sur les conditions d'extraction de l'or : le 14 février 2011, en Angleterre, 20 joailliers (dont Garrard, le joallier de la Reine d’Angleterre et des marques de bijoux éthiques telles que Cred Jewellery, Fifi Bijou et Ute Decker) se sont rassemblés pour s’engager sur un or doublement certifié – puisqu’équitable et produit dans des mines responsables. Ce lancement annoncé par la Fairtrade Foundation et l'Alliance pour une Extraction Responsable a été rendu possible par une mine d'or bolivienne, la seule à avoir reçu la certification équitable à ce jour. L'or sera acheté aux mineurs à un prix jusqu'à 65% supérieur à celui pratiqué traditionnellement. À cette incitation s'ajoute une prime de 5% accordée à ceux qui n'utilisent ni mercure ni cyanure pour l'extraction de l'or. Cette initiative est une première mondiale, mais d'autres mines sont en voie de certification notamment au Pérou et en Colombie. L'objectif est d'atteindre en 15 ans les 5% d'or équitable à travers le monde.
  • En parallèle, des initiatives du secteur voient le jour. En 2005, 14 entreprises impliquées dans la filière joaillière or et diamants (parmi lesquelles Tiffany  et Cartier) ont créé le Conseil pour des Pratiques Joaillières Responsables afin de restaurer un climat de confiance  grâce à un « cadre de pratiques responsables » applicable à tous les adhérents et dont le respect est vérifié de manière indépendante. Aujourd’hui, le mouvement compte plus de 370 membres qui s’engagent pour des pratiques plus respectueuses de l’environnement et répondant à des normes sociales plus justes.
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Ce que vous pouvez faire

  • D’abord, se renseigner sur les démarches volontaires des joailliers : certaines entreprises du secteur commencent à s’engager vers plus de transparence et un meilleur contrôle du fonctionnement des mines d’extraction. Dans cet esprit, on a pu voir en mars 2004, dans le magazine américain The Washington Post, une page entière dédiée à l’engagement du géant Tiffany & Co, s’opposant à la construction d’une mine d’argent et de cuivre à Rock Creek dans le Montana, une région encore inexploitée et riche en biodiversité. Aujourd’hui, Tiffany achète son or à une mine de l’état du Utah où le cyanure n’est pas utilisé, et ses diamants au Canada. D’ailleurs, dans la campagne menée dans les pays anglo-saxons à l’occasion de la Saint-Valentin 2006, le collectif No Dirty Gold  cite Tiffany aux côtés d’autres joailliers recommandés (comme Helzberg, Signet, Fortunoff, Cartier, Piaget, Van Cleff & Arpels et Zale Corporation).en févirer 2010, le WWF a par ailleurs lancé une campagne contre l’or illégal.
  • Mieux vaut privilégier donc l’or et l’argent soit recyclés, soit produits artisanalement, c’est-à-dire au tamis et sans produits chimiques, et si possible issus du commerce équitable afin de garantir des conditions de travail décentes pour les mineurs.
  • C’est aussi l’occasion de découvrir les créations de joailliers indépendants et éthiques. Plusieurs marques existent et se développent de plus en plus : JEL (Jewellery Ethical Luxury), Ikken, Brilliant Earth, Sarah Perlis...
  • Dans tous les cas, en ce qui concerne l’or, on gardera en tête que la récupération et le recyclage sont des pratiques tout à fait adaptées pour ce matériau précieux qui ne perd pas de valeur avec les années. De plus, les bijoux anciens ont souvent autant de cachet, si ce n’est plus, que les neufs… sans compter le plaisir de les « chiner » ! Si au fil des ans un bracelet, une bague, une broche ou un collier ne  plaît plus, on peut questionner les bijoutiers sur les possibilités de le transformer… plutôt que de le laisser au fond de la boîte à bijoux.
  • Pour qu’éthique rime avec esthétique, certaines petites entreprises de joaillerie profitent judicieusement de la lenteur des grands groupes pour proposer une offre alternative de « bijoux responsables » fabriqués avec des pierres et des métaux  précieux dont l’origine et la qualité sociale ou environnementale sont certifiées. Des marques étrangères établies depuis longtemps sur le marché de l’or et de l’argent éthiques sont plus ou moins connues :
    - l’entreprise GreenKarat, membre du club 1% For The Planet (club international d’entreprises engagées à verser 1% de leur chiffre d’affaires au profit d’organisations environnementales), a créé une ligne de bagues de mariage et de fiançailles  à partir d’or jaune et d’or blanc recyclé ;
    - la maison Leber Jeweler, basée à Chicago depuis sa création en 1921, propose des bijoux fabriqués à partir de métaux précieux recyclés et plus largement de pierres précieuses issues du commerce équitable et de diamants canadiens  ;
    - Shining Light Jewelry, établie depuis 20 ans dans l’Oregon aux Etats-Unis, vend des bagues en or et platine issus du commerce équitable et produits dans le respect de l’environnement  dans le cadre notamment du programme Green Gold.
    - SilverChilli est une entreprise anglaise qui s’est spécialisée de son côté dans les bijoux en argent fabriqués au Mexique dans les conditions du commerce équitable.
    - Enfin, Brilliant Earth est une entreprise canadienne qui utilise pour ses bijoux des diamants certifiés non-issus de zones de conflit mais aussi de l’or et de l’argent recyclés.
    - Plusieurs marques utilisent de l’or et de l’argent labellisés Fairmined parmi elles : CRED Jewellery, pionnier de la joaillerie éthique, a été créée en 1996 en Angleterre ; Fifi Bijoux est une créatrice écossaise ; Ute Decker, créatrice londonienne, propose des bijoux sculpturaux. Pour retrouver la liste complète, il faut se rendre sur le site de Fairtrade & Fairmined Gold.
  • En France, les boutiques se mettent progressivement à l’or et à l’argent éthiques depuis quelques années : JEM (Jewelry Ethical Minded) est la pionnière de la joaillerie éthique en France. Créée en 2008, cette marque propose des pendentifs, bagues, boucles d’oreilles, bracelets et alliances. April propose de la joaillerie éthique labellisé FairMined/FairTrade et Karuni propose des bijoux touareg en argent.
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