Les Français l'affirment au fil des sondages : ils sont prêts à payer plus cher pour des produits fabriqués en France - jusqu'à 20% de plus, même, pour les trois quarts des Français, affirmait ainsi en janvier 2013 une enquête d'opinion Ifop. Tant mieux sans doute, car le "made in France", défendu par Arnaud Montebourg au nom du Redressement productif, représenterait bien un surcoût, affirme un récent rapport du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). En moyenne, selon cette étude, acheter Français coûterait 1 270 à 3 770 euros de plus par an et par ménage, soit 100 à 300 euros dépensés en plus chaque mois. Logique, puisque'"un quart de notre consommation de biens porte sur des biens en provenance des pays de délocalisation", écrivent Charlotte Emlinger et Lionel Fontagné, auteurs de l'étude (selon eux, l'Europe pèse 62% de notre consommation de biens importés, même si sa part a baissé de 7% en une décennie, tandis que celle des pays à bas prix progressait de 19%). Autrement dit : le bon côté de la mondialisation pour le consommateur, c'est naturellement que la production dans les pays à bas coûts de main d'œuvre se retrouve dans le prix de vente final, et lui permet de réaliser des économies substantielles… voire d'acheter plus à budget constant ! Les plus gros écarts de prix entre le "made in France" et les produits fabriqués à l'étranger concernent les sacs et autres articles en cuir (24%), les appareils électriques (10%) et les vêtements (8%). S’agissant des pays à bas prix, 71% du surcoût proviendrait du remplacement des seules importations en provenance de Chine. Suivraient ensuite les produits venant d’Inde (5 %). En troisième position se trouve le Bangladesh (3 %) où s’est effondré au printemps dernier un immeuble de confection de textile faisant plus de 1.000 morts.
Un argument souvent opposé aux gains de pouvoir d’achat liés aux importations est qu’acheter français permettrait de recréer des emplois dans l’Hexagone. Mais les auteurs de l’étude n’en sont pas convaincus : "la substitution de produits nationaux aux produits importés augmenterait la dépense sur les produits concernés, ce qui réduirait la consommation de services, estiment-ils. Or il est tout à fait possible que le contenu en emplois des services (...) soit plus important que celui des usines robotisées fabriquant les substituts aux biens importés dans les secteurs confrontés à la concurrence des pays à bas salaires". Pour eux, les écarts de prix doivent être utilisés pour améliorer les conditions de travail des pays exportateurs, sous la pression des consommateurs.
Dommage cela étant que l'étude ne dise rien sur l'effet d'entrainement que peut avoir le "made in France" sur l'économie marchande et, surtout, sur les finances publiques. Car selon nos estimations à partir d'un exemple donné par le CEPII, une paire de chaussure fabriquée en Inde coûterait certes 100€ à la vente en France, et 200€ si elle était fabriquée sur le sol français, soit un surcoût de 100€ pour le consommateur - mais le manque à gagner pour les finances publiques serait de 43€, soit un surcoût net de 57€ et non de 100€ pour le citoyen-consommateur (car il faudra bien, en cas de produit importé, que les 43€ "manquants" dans les caisses publiques soient financés par les prélèvements obligatoires). Et le manque à gagner pour l'économie marchande serait de 251€ si l'on tient compte du chiffre d'affaires du fabricant de chaussures, de la chaîne de fournisseurs français impactés par effet ricochet et de l'ensemble du tissu économique bénéficiant directement ou indirectement des salaires versés aux salariés français. Soit près de 3,5 heures de travail financées par la seule paire de chaussures - de sorte qu'au bout du compte, avec un taux horaire net moyen de 16€, le gain social est de 56€ et le surcoût social net est quasi-nul (100-43-56 = 1€)". Conclusion : il est certes stérile d'opposer "Made in France" et "Made in World", comme le reconnaissent d'ailleurs les auteurs de l'étude, et puisque le monde d'aujourd'hui est surtout "Made in World", la France se doit d'y être compétitive (par son innovation et ses services notamment). Mais le "Made in France" a aussi un intérêt : maintenir un appareil productif en France permet d'avoir un effet d'entraînement sur l'économie marchande et les finances publiques. Il est urgent de penser le "Made in France" comme une "retombée" et pas seulement comme un "surcoût".
Pour en savoir plus, téléchargez notre guide du "Made in France" pour offrir et consommer local, y compris en achetant des marques cultes et reconnues.