En plein cœur de Soho, un magasin de type "pop-up" ressemblant furieusement à un "Apple Store" blanc et épuré a ouvert pour quelques semaines avant les Fêtes… sans rien vendre, mais en proposant plutôt aux citoyens-consommateurs de réfléchir à la façon dont ils livrent leur données personnelles aux marques à travers des actes quotidiens, et à ce que cela implique. The Glass Room (c’est le nom de l’exposition) a été développée, avec l’aide de la fondation Mozilla, par un collectif baptisé Tactical Technology, créé en 2003 et qui se consacre "au rôle social et politique de la technologie dans nos vies" et a déjà organisé plusieurs expositions et publications sur le sujet (voir par exemple le projet "Me and my shadow" ou encore son kit d’outils pour protéger son intimité numérique ).
Pour les initiateurs du projet, l’idée est simple : faire comprendre aux citoyens que nous vivons dans un nouvel environnement social, culturel, politique… dans lequel il est indispensable de comprendre ce qui se joue et les responsabilités nouvelles que cela fait émerger : "quel est le modèle de société que nous créons, dans une situation où une poignée d’individus a une connaissance et une compréhension de plus en plus pointues des comportements intimes du plus grand nombre ?" insiste Marek Tuszynski, co-fondateur de the Technical Technology.
Le premier espace de l’exposition, "Something to hide" (quelque chose à cacher), questionne les usagers de la technologie qui pensent qu’ils n’ont rien à cacher - en les invitant à réfléchir sur les données qu’ils transmettent, sur l’image d’eux-même que ces données véhiculent, sur les services qu’ils perçoivent en retour, etc. Au passage, quelques projets artistiques sont présentés - dont "Where The F**K Was I?" de James Bridle (un livre dans lequel l’artiste a compilé 202 cartes et 35 801 lieux directement issus d’un fichier de son iPhone - des informations de géolocalisation enregistrées à son insu pendant un an) et "Forgot your password?" d’Aram Bartholl (où l’artiste a compilé dans 8 livres différents 4,6 millions de mots de passe piratés lors d’un "hack" de LinkedIn en 2012). Un peu plus loin dans l’exposition, un espace "Normal is Boring" (la normalité c’est l’ennui) s’intéresse aux entreprises spécialisées dans les données - faisant apparaître le contraste entre la politique d’ouverture de Facebook et le souci extrême de confidentialité de son fondateur Mark Zuckerberg dans sa vie privée. Un autre espace, "Big Momma", présente neuf applications de surveillance existant déjà sur le marché - comme Silver Mother, qui contrôle en continu la température, le sommeil, l’hydratation, la prise de médicaments et l’activité des personnes âgées. Bien sûr certaines de ces applications, parfois développées par des ONG ou les Nations-Unies, sont positives pour leurs usagers - mais l’idée selon Tuszynski est de comprendre qu’au-delà du bénéfice immédiat, les données livrées par les usagers composent un environnement massif dont nous savons très peu de choses. Selon une étude récente de l’agence J.W. Thompson, 94% des consommateurs nord-américains souhaitent mieux contrôler l’accès à leurs données personnelles - ce qui montre quand même que la conscience des enjeux progresse. A voir et télécharger aussi : le régime "data detox" en 8 jours proposé par les organisateurs à l’occasion de l’exposition.