Le groupe Avis Budget, spécialisé dans la location automobile, commence bien l'année : il vient d'annoncer son intention de racheter (pour environ 500 millions de dollars) Zipcar, le premier acteur de l'auto-partage américain, très implanté notamment sur plus de 300 campus nord-américains et auprès d'un public plus jeune et urbain, qui loue son véhicule par Internet et l'utilise à l'heure. Signe de la montée en maturité de la consommation collaborative, ce rachat est assez typique de la façon dont une entreprise d'un secteur plutôt traditionnel, à faible croissance et à l'image vieillissante, peut se refaire une jeunesse en se payant un acteur plus iconoclaste et "révolutionnaire", pourvu que celui-ci connaisse une croissance rapide qui en dit long sur son potentiel. Cela dit, même si Zipcar reste une entreprise à peine rentable, avec un chiffre d'affaires de 242 millions de dollars en 2011... Le patron d'Avis Ronald Nelson l'a d'ailleurs reconnu en annonçant l'opération : "j'ai été jusqu'à présent un peu dédaigneux à l'égard de l'autopartage. Mais j'ai fini par réaliser que c'est très complémentaire de notre modèle traditionnel de location de voitures." Le rachat devrait être finalisé au printemps 2013, et deux défis se poseront encore à Avis dans l'année à venir pour transformer complètement l'essai.
D'abord, Zipcar, depuis sa création en 2000, est devenue une entreprise emblématique de la consommation collaborative, ce qui signifie que son succès repose en grande partie sur sa capacité à créer et à faire vivre la communauté des 760 000 "zipsters", cimentée par un respect mutuel (qui pousse par exemple les clients à rendre les voitures propres) et des valeurs partagées : les "zipsters" rejettent l'idée de posséder une voiture et les servitudes que cela implique, préférant en louer une quand ils en ont besoin ; ils préfèrent aussi les véhicules écologiques, et d'ailleurs Zipcar a un accord avec Toyota de sorte que les véhicules hybrides représentent presque le quart de sa flotte... Cela a peu de choses à voir avec ce que vivent les clients de la location automobile traditionnelle, qui n'ont aucun lien entr'eux et pour lesquels l'acte de location est fonctionnel, sans aucune dimension militante. Autrement dit, pour une entreprise comme Zipcar, cette communauté de clients est un élément-clef, quoiqu'intangible, de la valeur de la marque - et ce sera sans doute un challenge pour Avis de continuer à faire vivre une telle communauté, alors que la plupart des entreprises classiques en sont encore à créer leur page Facebook et à expérimenter ce qu'elles pourraient bien en faire. Et nul doute non plus que la communauté des Zipsters sera particulièrement attentive à ce qu'Avis va faire de "sa" marque et sensible à tout signe de trahison du projet fondateur... Ce qui nous amène au second défi, celui de l'expérience client : car l'autre clef historique du succès de Zipcar, c'est la qualité du service, rendu efficace, rapide et convivial par une remarquable utilisation des technologies - notamment le web et les applications mobiles. Il suffit par exemple au client de placer sa carte de membre sur le pare-brise de la voiture réservée en ligne pour que celle-ci s'ouvre... Là encore, il sera déterminant pour l'avenir de la marque qu'Avis préserve cela sans tenter absolument d'intégrer ces éléments à ses propres systèmes ou infrastructures technologiques, sous peine d'une lourdeur ou d'un couac qu'à nouveau les Zipsters seraient prompts à remarquer.
De manière intéressante, ce rachat est aussi l'occasion de noter qu'en France, contrairement à la situation américaine, le marché de l'auto-partage n'est pas tant le fait d'entreprises privées (telles que Zipcar) mais davantage celui de municipalités et associations œuvrant à la mise en place de systèmes comme Yélomobile à La Rochelle ou le réseau de voitures électriques Autolib' à Paris.