Selon l'article du New-York Times qui lui fut consacré l'an dernier, c'est en 2005 que Nicholas Felton, un designer graphique new-yorkais fasciné depuis l'enfance par les chiffres et les (beaux) graphiques, décida pour la première fois de publier un rapport qui serait la chronique de sa vie sur l'année écoulée, un peu comme le font les entreprises avec leur rapport annuel - et il commença à rassembler des informations sur le nombre de chansons qu'il avait écouté, le nombre de kilomètres qu'il avait parcouru en avion, le nombre de livres qu'il avait lus ou de photos qu'il avait prises, etc. C'est ainsi qu'il fit paraître sur son site web son premier rapport annuel, baptisé “The Feltron Annual Report” - un "r" subrepticement glissé dans son nom pour en faire celui d'un personnage public. L'année suivante, il recommença l'exercice en rajoutant les restaurants fréquentés, les boissons bues, les types de viandes qu'il avait consommées, etc. Désormais aidé par la technologie, Nicholas Felton a professionnalisé l'exercice en augmentant le nombre de données utilisées et en travaillant leur présentation visuelle afin de les rendre plus "parlantes" et plus compréhensibles. Au passage, dit-il, il a découvert grâce à cette initiative les impacts négatifs de son mode de vie, qu'il s'emploie maintenant à réduire. Felton affirme ainsi avoir pris conscience des effets négatifs de ses voyages sur l'environnement et aussi du fait qu'il lisait de moins en moins de livres... En 2009, Felton est allé plus loin, demandant aux personnes qu'il croise quotidiennement d'évaluer leur relation avec lui - un peu comme les entreprises engagées sur le développement durable s'efforcent de demander l'avis de leurs parties prenantes sur leur performance. Et en 2010, à la mort de son père, il a voulu lui rendre hommage avec un rapport qui déroule, à partir de tout ce qu'il a récupéré (cartes postales, papiers, livres, photos, etc.), la vie de Gordon Felton, toute en cartes et en graphiques élégants. A la croisée des chemins entre la poésie, l'écologie et l'information, l'expérience de Nicholas Felton (qui n'est pas sans rappeler les exercices de style de Georges Perec) a donné naissance à un site internet, Daytum, pour aider d'autres individus voulant eux aussi publier leur rapport annuel. Elle est aussi annonciatrice d'un monde où la collecte et l'agrégation d'informations sur l'impact de nos activités quotidiennes seront plus faciles, avec l'espoir que cela contribuera, au passage, à stimuler nos consciences et à changer nos pratiques.