La commercialisation (et la consommation) de sucre doivent-elles être mises sous surveillance, comme celle d'autres substances dangereuses, l'alcool en tête ? C'est en tout cas la question que pose un article récent paru dans le journal Nature par trois chercheurs américains, spécialistes de l'obésité, de l'Université de Californie. Leur argument : le sucre, sous toutes ses formes (qu'il s'agisse de sirop de glucose-fructose ou de saccharose), est aussi toxique pour la santé humaine que des substances dont la commercialisation et la consommation sont très contrôlées, comme l'alcool. Rappelant un certain nombre de statistiques sur l'obésité et d'autres maladies métaboliques (comme le diabète de type II) et citant un rapport des Nations-Unies qui soulignait en 2010 que ces maladies liées au mode de vie font désormais plus de morts que les maladies infectieuses (36 millions de décès soit 63% du total étaient dus en 2008 à des maladies non transmissibles liées à des facteurs de risque évitables : alcool, tabac et… mauvaise alimentation couplée à la sédentarité), ils militent pour des réglementations plus sévères, partout dans le monde. En effet, d'après ce rapport des Nations-Unies, l'alimentation est la seule des trois causes majeures de ces maladies chroniques à ne pas être régulée par les gouvernements pour protéger la santé publique - alors que le tabac et l'alcool le sont depuis longtemps.
L'un des auteurs de l'article, le pédiatre-endocrinologue Robert Lustig, est d'ores et déjà réputé pour son argumentation ferme sur ces sujets (voir notamment sa conférence en ligne, "Sugar : the bitter truth" qui vient de passer les 2 millions de spectateurs sur YouTube). Pour lui, la toxicité du sucre n'a rien à voir avec les calories, elle est liée à la façon dont le corps humain métabolise le sucre d'une manière qui nuit systématiquement à la santé, stimulant les réactions inflammatoires à l'origine des maladies cardiaques, du cancer et du diabète. Plus encore : tous les critères servant à justifier le contrôle de l'alcool (tentant, présent partout, toxique et addictif) sont selon lui et ses co-auteurs applicable au sucre. "Historiquement", écrivent-ils, "le sucre n'était disponible pour nos ancêtres que quelques mois par an, dans les fruits lors de la récolte, ou sous la forme de miel, placé sous la garde des abeilles. Mais récemment, le sucre a été rajouté à quasiment tous les aliments transformés, limitant le choix du consommateur. Alors que la nature avait fait le sucre rare, l'homme en a saupoudré partout." Et d'argumenter sur des stratégies proches de ce qui s'est fait sur le tabac ou l'alcool : des taxes sur les produits sucrés, des limites d'âge sur les achats de produits sucrés, une annonce obligatoire des taux de sucres ajoutés et une limitation de la publicité sur les aliments sucrés... Des arguments qui ne remportent pas l'adhésion de l'establishment médical français (voir notamment cet article du Figaro et la position de la Société Française de Pédiatrie), étonnamment conservateur sur ce coup.