Obliger les entreprises à faire acte de transparence en chiffrant le montant de leur consommation de ressources naturelles ou de leurs pollutions est une bonne façon de les "aider", de gré ou de force, à progresser sur le sujet - un peu comme, lorsqu'on fait un régime, il est nécessaire de se peser si l'on veut maigrir. C'est en tout cas la conviction des investisseurs qui ont monté, il y a une petite dizaine d'années, le Carbon Disclosure Project (CDP) pour demander aux grandes entreprises mondiales de chiffrer leurs émissions annuelles de CO2, la façon dont celles-ci évoluent et les stratégies mises en œuvre pour agir... L'expérience ayant été plutôt concluante (3000 entreprises de 60 pays jouent désormais le jeu sur le carbone), le CDP s'intéresse désormais aux consommations d'eau, et une autre initiative, le Forest Footprint Disclosure, a suivi, demandant aux entreprises de chiffrer leur consommation de ressources (bois, papier, huile de palme, soja, etc.) contribuant à détruire, directement ou indirectement, les forêts anciennes dans le monde. Début Octobre, les entreprises recevront un questionnaire leur demandant d'évaluer et de communiquer, cette fois, leur consommation de plastique : les quantités brutes utilisées, mais aussi les politiques définies pour réduire ces consommations et pour augmenter la part du plastique recyclé ou biodégradable dans ces consommations, les processus en place pour recycler le plastique en question en fin de vie... Des questions plutôt simples, mais l'étude qui en résultera pourrait bien faire l'effet d'un éléphant dans un jeu de quilles (en plastique). Car pour Doug Woodring, l'éco-entrepreneur de Hong-Kong qui est à l'origine de cette initiative, baptisée Plastic Disclosure Project, "une fois que l'état des lieux initial a été fait, c'est souvent facile de s'améliorer, et c'est ce que nous voulons déclencher : l'idée est d'amener les entreprises à utiliser le plastique de manière plus raisonnée, et de faire reconnaître les efforts de celles qui en font par les consommateurs et les investisseurs" (ces derniers seront, comme pour le CDP, mobilisés fortement derrière le projet). Par ailleurs, l'initiative ne visera d'ailleurs pas seulement les entreprises mais aussi les universités, les hôpitaux et les grands clubs de sport...
Woodring rappelle que la pollution par les déchets plastique, aggravée ces dernières décennies, est l'un des problèmes les plus importants pour la santé des océans à travers le globe. En effet, sur les 300 millions de tonnes de plastique produites chaque année, 10% seulement est recyclé et l'on estime que 7 millions de tonnes finissent dans les océans, où le plastique se décompose en de micro-fragments avec le temps, qui sont avalés par les espèces marines (une étude rapportée par un article récent du New-York Times sur le sujet estime que la quantité de débris plastique ingérée en un an par un poisson du Pacifique Nord peut atteindre 24 000 tonnes). Pour Eric Floyd, un ancien investisseur qui est également impliqué dans le projet, le drame trouve sa source dans les qualités - mêmes du plastique : comme il est léger, résistant et bon marché, il est produit en grandes quantités et tous les secteurs l'utilisent - et comme il est durable, il ne disparaît pas facilement de l'environnement (où l'on trouve encore du plastique produit il y a 50 ans).