Aujourd’hui, 60 000 personnes sont non-voyantes et près de 2 millions sont mal-voyantes en France : pour elles, le simple fait de faire ses courses, acte incontournable de la vie quotidienne, révèle les difficultés d’accès à l’information pour les déficients visuels. Là où les rares marques travaillant sur la question se demandent encore quelles informations traduire en braille pour aider les mal-voyants à faire leur choix en magasin mais aussi à identifier les produits au quotidien ensuite dans leurs placards, un projet de la jeune designer Audrey Dodo, mené avec le soutien de l’institut Louis Braille, vient remettre les pendules à l’heure. Présenté en novembre dernier à la biennale de St Étienne, le projet "Fermer les yeux pour voir" repose sur quelques idées simples : d’abord, l’idée que le braille ne répond que partiellement au problème de l’identification des produits, car la maîtrise du braille est pratiquement réservée aux aveugles de naissance qui représentent une infime proportion de la population déficiente visuelle (10 à 15% seulement des non-voyants, soit 0,45% des personnes déficientes visuellement, maîtrisent le braille) - la majorité des personnes aveugles a connu la cécité tardivement et il leur est impossible d’apprendre ce langage ; ensuite, on constate dans ces initiatives un foisonnement et un manque de hiérarchisation de l’information mais aussi une hétérogénéité typographique - qui contribuent à une communication visuelle confuse.
D’où ce projet, élaboré avec des personnes malvoyantes, qui vise à répondre au problème d’identification des produits alimentaires en amenant un nouveau langage universel, alternatif au braille : graphiques et tactiles, des pictogrammes en relief sur les étiquettes représentent la nature des produits. Conserves, fruits des jus ou viandes illustrés par ces pictogrammes permettent ainsi à tous, enfants, étrangers et mal-voyants ne connaissant pas le braille, de reconnaître plus facilement ces produits en grande distribution. Enfin, les emballages souples des produits secs ou des pâtes sont conçus pour permettre une lecture tactile de l’aliment lui-même…