Au moins 40 morts, des pertes économiques qui pourraient dépasser les 50 milliards de dollars, 8 millions de foyers privés d'électricité, plus de 15 000 vols annulés, des milliers d'usines, de magasins et d'hôpitaux fermés, et plus symbolique encore, les quartiers du Sud de Manhattan, à quelques pas de Wall-Street, noyés sous 4 mètres d'eau. Pour Business Week, le célèbre magazine économique qui appartient au Maire de New-York, Michael Bloomberg, et titre cette semaine de manière non équivoque "It's Global Warming, Stupid !" (c'est le changement climatique, idiot !), il n'y a pas de doute possible : le changement climatique aggrave ces épisodes climatiques extrêmes, s'il ne les déclenche pas. Un peu comme les stéroïdes décuplent la force d'un sportif, affirme l'article en citant Eric Pooley, vice-président de l'ONG Environmental Defense Fund et ancien rédacteur en chef chez Business Week. Pour les experts du Scientific American cités dans le dossier, "le changement climatique réchauffe les océans, qui donnent plus d'énergie aux ouragans, mais aussi l'atmosphère, dont l'humidité se retrouve dans les ouragans et nous tombe sur la tête". Mi-Octobre, la compagnie suisse de ré-assurance Munich Re a publié un rapport prémonitoire "Severe Weather in North America" qui fait état du taux croissant d'événements climatiques extrêmes en Amérique du Nord, "plus que n'importe où dans le monde" : de 1980 à 2011, ces événements ont été quasiment multiplié par cinq, contre 4 en Asie, 2,5 en Afrique, 2 en Europe et 1,5 en Amérique Latine. Le changement climatique, précise le rapport, est déterminant dans la formation de vagues de chaleur, de sécheresse (le mois de juillet 2012 fut le plus chaud enregistré aux Etats-Unis depuis 1895), de précipitations intenses et très vraisemblablement aussi d'ouragans tropicaux. L'article cite aussi David Owen, journaliste au New Yorker, qui dans son dernier livre émet l'idée que cette tendance ne s'inversera pas tant que le monde occidental, notamment, continuera à vénérer la croissance économique et l'augmentation de la consommation - quelle que soit par ailleurs l'évolution des ventes des ampoules fluocompactes, des voitures hybrides et des crédits carbone, qui ne suffiront pas.
Pour les auteurs de l'article, il est essentiel aussi de remettre le sujet à l'ordre du jour politique, ce qui semble bien loin de la campagne présidentielle actuelle et notamment des préoccupations du candidat Romney. Ce dernier, qui fut historiquement un supporter des énergies vertes et des plafonds d'émissions, fait désormais office "d'agnostique climatique" tournant en dérision son concurrent sur le sujet lors de la dernière Convention Républicaine : "le Président Obama a promis qu'il ralentirait la montée des océans et qu'il soignerait la planète... Ma promesse à moi est de vous aider, vous et votre famille". Hélas, les stratèges d'Obama ont cette fois décidé que pour faire face à la crise économique, il se battrait sur le même terrain que Romney, à coup de projets d'exploitation de charbon et de pétrole, l'environnement n'étant présent dans sa campagne que pour parler d'emplois "verts". Pourtant, clame Business Week, il est grand temps que les Etats-Unis modifient leur approche du sujet, tant dans la politique intérieure (la production d'énergie renouvelable a certes doublé sous le premier mandat d'Obama, mais elle représente encore moins que 15% de l'électricité du pays) qu'en politique étrangère, pour influencer les économies chinoises et indiennes. Ce qui manque pour cela, conclut l'article, n'est pas tant les moyens d'agir que la volonté politique. Selon le Pew Center, plus de la moitié des électeurs républicains disent que le changement climatique n'est pas un problème sérieux ou pas un problème du tout, alors que pour les deux-tiers des Américains en général, le réchauffement de la planète ne fait pas de doute (un score en baisse de 10 points par rapport à 2006, quand même). Et l'article de conclure : du strict point de vue économique, le pays ne peut pas se permettre des ruptures dans son activité telles que celles générées par Sandy. Et pour limiter le coût des désastres climatiques, "les décideurs politiques et les citoyens feraient bien de commencer par reconnaître à quel point ils en sont, pour partie, la cause."