Alors que vient de paraître l’excellent "Green nudge" d’Eric Singler (sous-titré "changer les comportements pour sauver la planète") et alors qu’à l’occasion de la COP21, de trop rares entreprises et collectivités affichent un engagement sur 100% d’ENR, à l’instar de Paris ou de Galeries Lafayette qui viennent d’annoncer leur passage aux renouvelables, inciter chacun, y compris les individus ou les familles, à choisir l’énergie verte aussi une priorité. Cela, dans un contexte où les opérateurs classiques déploient des trésors d’imagination pour, semble-t-il, empêcher les clients soucieux de choisir les ENR de le faire effectivement (voir notamment l’offre DolceVert de GDF Suez Dolce Vita, qui n’est pas disponible par téléphone et l’est en ligne seulement, mais pas dans la rubrique "services et options" servant à modifier le contrat) …
Pourtant, et à l’opposé de ces pratiques, l’usage du levier de l’option par défaut est une arme formidable dans ce sens. Eric Singler rapporte ainsi dans son livre, sur ce sujet, deux expériences instructives. La première a été réalisée auprès de 42 000 foyers Allemands qui devaient choisir un plan relatif à leur fourniture d’électricité. Deux options de contrat leur étaient proposées : un contrat "classique" et un contrat "énergie verte" avec un surcoût par rapport au plan classique. Deux approches marketing différentes ont alors été testées : dans le premier cas de figure, l’adoption du contrat "classique" est proposée par défaut - avec la possibilité d’opter pour le contrat "énergie verte" en cochant une case spécifique ; dans le second cas de figure, l’option "énergie verte" est cochée par défaut et il faut décocher la case pour adhérer au contrat classique et sortir de la proposition qui est faite par le fournisseur d’énergie. Les résultats sont sans appel : dans le cas de figure où l’option par défaut est le contrat "classique", seuls 7% des foyers vont choisir de cocher la case "énergie verte" et basculer du contrat proposé au contrat vert. Mais lorsque l’option par défaut est le contrat "énergie verte" (cas où la case est pré-cochée), alors ce sont 70% des foyers qui choisissent de rester dans ce contrat en dépit de son surcoût ! La seconde étude mentionnée, toujours en Allemagne, est liée à l’offre par laquelle le fournisseur d’énergie Energiedienst GmbH a proposé à ses clients 3 tarifs différents : un tarif par défaut "vert" avec 2 options alternatives - l’un avec un tarif moins vert et moins cher de 8% et la seconde d’un tarif encore plus vert mais plus cher de 23%. A nouveau, les résultats sont éloquents, puisque 94% des individus ont choisi l’option par défaut contre 4% seulement qui basculent sur les 2 autres options.
Qu’en conclure ? Il serait temps que les entreprises, et notamment les fournisseurs d’énergie (mais aussi d’ailleurs les politiques, obsédés par la baisse du prix de l’énergie, qui n’est souhaitable ni du point de vue de la planète ni afin d’inciter les clients économiser l’énergie), cessent d’affirmer que les clients ne sont pas prêts à consommer vert si le vert est plus cher. Le basculement du marché n’est peut-être pas tant une question de demande qu’une question d’offre. C’est notamment tout l’enjeu de l’approche dite du "choice editing" qui consiste à changer radicalement l’éventail du choix laissé au consommateur – en cessant de vendre les produits inutilement nocifs à la planète ou aux personnes, en en les remplaçant par des alternatives responsables.