Nicolas Sarkozy vient de recruter deux prix Nobel, Amartya Sen et Joseph Stiglitz, pour repenser la façon dont la France mesure ses progrès et sa croissance, et réfléchir aux limites des instruments de mesure classiques comme le PIB. Celui-ci, exclusivement quantitatif et monétaire, présente le problème principal d’ignorer, comme le dit Edgar Morin, "les qualités de l'existence, les qualités de solidarité, les qualités du milieu, la qualité de la vie, les richesses humaines non calculables et non monnayables", et de croître avec les marées noires ou la hausse de la criminalité, qui dynamisent l'économie mais dont tout le monde s'accorde pourtant à reconnaître qu'elles ne représentent pas un progrès humain. Ce faisant, la France rejoint un courant de réflexion qui se développe depuis plus de trente ans, principalement dans les pays anglo-saxons, pour mesurer les aspects non-monétaires de la croissance et du progrès des nations, tels que le bien-être, la qualité de vie, la qualité de l’environnement, la santé, le niveau d’éducation, etc.
Parmi les travaux alternatifs déjà menés dans ce sens, signalons ceux du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) qui a développé en 1990 un “Human Development Index” prenant en compte le PIB mais aussi l’espérance de vie à la naissance, les taux d’alphabétisation et de scolarisation ; ceux de l’organisation américaine Redefining Progress qui a développé, dès 1999, un “Genuine Progress Indicator” (GPI) prenant en compte la création de richesses mais aussi leur répartition, le volontariat, la pollution et la destruction du capital naturel, les dégâts environnementaux long terme comme le changement climatique, les dépenses de “défense” (factures médicales liées aux accidents de la route, filtres à eau), etc. ; ceux de la prospectiviste Hazel Henderson avec l’organisme financier américain Calvert Group, prenant en compte des aspects aussi variés que l’éducation, l’emploi, la santé, les droits de l’Homme, l’accès au logement ou même… au divertissement ; ou enfin ceux du "think-tank" britannique New Economics Foundation qui a lancé en 2006 le "Happy Planet Index", un indice qui croise le niveau de consommation des ressources avec des informations sur le bien-être et la qualité de vie, à la fois objectives (durée de vie moyenne) et subjectives (satisfaction déclarée des habitants).